Accompagner son enfant face au harcèlement scolaire

Un enfant sur dix est victime de harcèlement scolaire. On en entend de plus en plus parler dans les médias et cela inquiète tous les parents, moi la première. On aimerait tellement éviter à notre enfant d’y être confronté ! Alors comment le sensibiliser et le préparer en amont, quels sont les signes évocateurs de harcèlement scolaire, comment l’accompagner si le harcèlement est avéré ou qu’il est reconnu comme « l’intimidateur » et comment le vivre du mieux possible en tant que parent ? C’est ce que je vous propose de découvrir ici.

Comment sensibiliser son enfant en amont sur le harcèlement scolaire ?

C’est important d’expliquer à votre enfant en quoi consiste le harcèlement scolaire, dès que vous le sentez prêt (vers 6 ans avant d’entrer en CP par exemple). L’idée est qu’il puisse ensuite identifier s’il est harcelé, si un copain l’est ou s’il intimide un enfant. Pour lui expliquer simplement, vous serez le mieux placé pour trouver les mots les plus adaptés mais voici l’idée : ce sont des violences répétées régulièrement contre un même enfant dans le cadre de l’école ou sur le trajet de l’école. Cela peut passer par des moqueries, des insultes, des surnoms désagréables, un vol d’affaires, de goûter, une mise à l’écart (dans la cour, à la cantine, etc.), des rumeurs, des coups, des bousculades, des menaces, etc. Les plus grands peuvent aussi être confrontés au cyberharcèlement, qui dépasse le cadre de l’école et continue sur internet, via les sms et les réseaux sociaux. Il consiste en des insultes, moqueries, humiliations, menaces, diffusion de rumeurs et/ou d’informations à caractère privé et usurpation d’identité.

Ensuite, vous pouvez lui dire que si un jour il y est confronté ou qu’il est témoin d’une situation de harcèlement, c’est important de ne pas le garder pour lui et d’en parler à un adulte. Que ce n’est clairement jamais de la faute d’un enfant de subir du harcèlement, qu’il n’y a pas à en avoir honte, que cela peut arriver à tout le monde. Les études montrent en effet qu’en général un enfant est harcelé à une période de sa vie où il est plus vulnérable et fragilisé.

Vous pouvez aussi lui préciser les raisons pour lesquels une personne peut devenir « intimidateur », pour qu’il comprenne ce qui se joue et prenne du recul sur les attaques. Parmi les raisons poussant une personne à en intimider une autre : avoir été soi-même victime de harcèlement auparavant, vouloir se venger du comportement de l’autre qui nous a blessé (consciemment ou non), vivre de la violence au sein de sa famille et la reproduire à l’école, être jaloux de la situation de l’autre, vouloir être « populaire », appartenir à un groupe et retrouver du pouvoir sur sa vie en se moquant et en faisant rire les autres, etc. Ce sera l’occasion de lui dire que s’il se trouve dans l’une de ses situations, il existe d’autres manières de faire, sans violence pour exprimer sa colère et sa tristesse ou pour faire rire les autres autrement.

Et lui préciser que si ça lui arrive un jour en tant que victime ou qu’intimidateur, vous réfléchirez ensemble aux solutions possibles, que vous ne ferez jamais rien contre son gré et surtout qu’il a les ressources en lui pour s’en sortir. Je suis personnellement convaincue par l’approche du psychiatre Philippe Aim, à laquelle j’ai été formée, et qui propose à l’enfant une méthode pour s’auto-défendre sans violence face à une attaque verbale via un jeu de rôle nommé le  » jeu de l’idiot » présenté dans le livre cité ci-dessous. Il consiste à déstabiliser son agresseur en restant calme et agréable avec lui. L’idée est de quitter son statut de victime pour reprendre du pouvoir sur la situation en montrant à l’autre que ses propos ou ses actes n’ont pas prises sur soi et qu’il n’y a donc pas d’intérêt à continuer. Le principe est d’entraîner son enfant en le mettant dans différentes situations de harcèlement en amont de la violence physique (rumeur, moquerie, mise à l’écart, etc.). Je l’ai personnellement testé avec mes filles et des élèves lors d’interventions de prévention du harcèlement scolaire dans des écoles et c’est assez bluffant de voir comme cela désamorce l’agressivité et la violence. Ce positionnement lui servira toute sa vie pour désamorcer seul des agressions verbales, que ce soit dans le cadre familial ou professionnel. En s’entraînant avec vous ou avec des copains, il se sentira progressivement prêt à se lancer, l’idéal étant bien sûr de tester cette approche en amont pour être prêt en cas d’agression verbale. S’il s’agit d’agression physique, l’enfant a bien sûr dans ce cas besoin de demander l’aide d’un adulte, voire de contacter la police.

Comment savoir si mon enfant est harcelé ?

C’est compliqué d’en être sûr à 100% si votre enfant ne se confie pas avec vous Il ne vous en parle pas pour plusieurs raisons : parce qu’il a tellement honte de vivre ça et se sent responsable, parce qu’il a peur des représailles dont le menace l’enfant qui le harcèle, parce qu’il a peur que vous interveniez d’une manière qu’il ne lui plaise pas, ou même qui lui fasse honte, qu’il craint que vous ne le preniez pas au sérieux, voire lui reprochiez cette situation. Il peut aussi vouloir vous protéger en vous épargnant de l’inquiétude. Lors de mes interventions en écoles, quand je demande aux élèves s’ils parleraient à leurs parents en cas de harcèlement, la plupart me disent que non pour toutes ces raisons. La communication avec lui en amont semble donc essentielle pour qu’il se sente en confiance avec vous.

Voici quelques signes évocateurs qui pourraient vous mettre la puce à l’oreille, avec comme signe le plus évocateur, une rupture soudaine dans son comportement : s’il refuse d’aller à l’école, dit ne plus avoir de copain, dort mal, mange moins, a une chute brutale dans ses résultats scolaires, change soudain de comportement en se renfermant sur lui, en semblant anxieux, triste, irritable, voire violent, en hyper-vigilance, s’il revient régulièrement avec du matériel ou des vêtements abîmés ou manquants. Bien sûr ces signes de mal-être peuvent être rencontrés par tous nos enfants et ados à une période de leur scolarité mais si vous avez l’impression qu’il cumule beaucoup de ces signes soudainement, cela peut valoir le coup d’essayer de lui parler. C’est vous qui sentirez s’il vaut mieux l’aborder de façon directe ou indirecte, en lui demandant par exemple comment il se sent en ce moment. Et lui redire que vous êtes là pour lui quoi qu’il arrive. Vous pouvez aussi lui proposer des jeux d’inversion des rôles autour de l’école, où il devient par exemple l’enseignant ou un copain et vous l’enfant. Vous pourriez alors obtenir des indices sur comment se passe l’école pour lui en ce moment. Ce type de jeu permet souvent à l’enfant d’exprimer ses peurs ou ses besoins du moment (voir à ce sujet les prochains ateliers jeux parents/enfants que j’anime à Paris et où je présente ce type de jeux).

Comment réagir et accompagner son enfant victime de harcèlement scolaire ?

S’il est avéré que votre enfant est harcelé, la première chose à faire est d’accueillir son témoignage et son ressenti en mode écoute active. Je vous invite à lire mon article sur le sujet. L’idée est qu’il se sente compris et pris au sérieux. C’est tellement dur à accepter pour un parent qu’on pourrait avoir tendance à tout de suite minimiser ses propos pour le rassurer ou poser des questions qui pourraient l’amener à se sentir remis en cause ou coupable. D’ailleurs, ce pourrait être l’occasion de lui redire à quel point il n’y est pour rien, que ce n’est pas honteux et que ce n’est pas une fatalité pour son avenir. De nombreuses personnalités et « stars » des ados sortent en effet de l’ombre en ce moment pour témoigner du harcèlement scolaire dont ils ont été victimes. Ce dont il a besoin c’est de sentir que vous le soutiendrez de la manière qui lui convient. Vous pouvez tout de suite le rassurer sur le fait que vous ne ferez rien sans son accord et voir avec lui quelle option lui conviendrait le mieux en fonction de ses besoins et ses ressources du moment. Malheureusement, une fois encore, il n’existe pas de « recette magique » donc à votre enfant et à vous de piocher parmi ces solutions possibles :

  • Réfléchir ensemble s’il se sentirait prêt à essayer d’agir différemment, sans violence, pour déstabiliser l’élève qui le harcèle. Votre enfant sera le seul à savoir s’il se sent prêt à le faire. C’est l’approche du Dr Philippe Aïm présentée ci-dessus dans le paragraphe sur la sensibilisation de votre enfant en amont. Personnellement cela me semble être la première étape pour redonner à l’enfant confiance en lui et en ses capacités à s’en sortir seul, en reprenant du pouvoir sur la situation.
  • Appeler la plateforme gratuite 3018 dédiée au harcèlement, gérée par l’association e-Enfance. Des professionnelles écoutent, conseillent et interviennent notamment auprès des réseaux sociaux pour faire supprimer un contenu en quelques heures.
  • En parler avec des copains ou d’autres élèves qui ont été témoins de certaines scènes et voir s’ils seraient partants pour réagir la prochaine fois que ça arrivera, en allant chercher un adulte ou en intervenant ensemble pour que ça s’arrête.
  • En parler avec son établissement : soit à un adulte dont il se sent proche (animateur péri-scolaire, enseignant, CPE, etc.), soit directement au directeur.
  • Etre arrêté quelques jours pour reprendre des forces et réfléchir « à froid » aux solutions possibles, sachant que cela peut aussi faire grandir en lui la peur d’y retourner. A vous d’en juger ensemble…
  • Si la situation n’évolue pas malgré vos tentatives, lui demander s’il souhaite changer d’établissement pour recommencer dans un nouvel environnement. II faut juste vérifier qu’il ne le vive pas comme un échec d’être celui qui doit partir. Pour certains cela résout le problème et pour d’autres la situation peut malheureusement se reproduire. Désormais, depuis juillet 2023, c’est l’intimidateur qui devra changer d’école.

Comment mieux vivre cette situation en tant que parent ?

L’un des aspects le plus difficile à vivre pour les parents que je rencontre est le sentiment de culpabilité « de ne pas avoir vu plus tôt ».  Je les comprends tellement, ce sentiment étant très présent chez moi dans de nombreuses situations avec mes filles. Pourtant, comment s’en rendre compte lorsque notre enfant n’ose pas nous en parler et que l’on n’est pas sensibilisé aux signes évocateurs de harcèlement ?

Un autre point difficile à vivre est notre sentiment d’impuissance face à la douleur de notre enfant. On voudrait tellement lui épargner toute épreuve mais malheureusement ce n’est pas possible. En revanche, comme vu dans le paragraphe précédent, vous pouvez réellement avoir un rôle, via l’écoute active et le soutien et l’entraînement à se défendre seul sans violence pour déstabiliser son harceleur, qui lui sera précieux pour l’aider à traverser cette période.

Ce peut également être compliqué de vivre cette situation si vous avez-vous-même connu du harcèlement en tant que victime, intimidateur ou témoin, que ce soit à l’école ou plus tard dans le cadre personnel ou professionnel. Cela peut vous faire remonter des émotions très désagréables et inconfortables qui pourraient vous amener à « sur-réagir » avec votre enfant. Dans ce cas, vous aurez besoin d’en parler à une personne bienveillante, qui vous écoutera sans jugement et vous permettra de vous libérer de ces émotions. Cela peut passer par des groupes de parole de parents organisées par des associations contre le harcèlement scolaire, où vous pourrez partager votre vécu et ressenti avec d’autres parents et vous sentir moins seul (voir dans la rubrique agenda les prochaines rencontres que j’organise sur ce sujet). Si vous n’avez personne de disponible dans votre entourage, vous pouvez appeler les lignes d’écoute gratuites pour les parents. Il y a le 3018 dédié au harcèlement scolaire cité ci-dessus mais également 3 numéros sur tous les sujets de la parentalité comme Inter Service Parents : tel : 01 44 93 44 93. Ouvert du lundi au vendredi de 9h à 13h et de 14h à 18h (fermé le mercredi), Allo Parents en crise : tel : 0805 382 300. Ouvert du lundi au vendredi de 10h à 13h et de 14h à 20h – le samedi de 10h à 13h et SOS Parentalité : tel : 09 86 87 32 62. Ligne gérée par le réseau Parentalité Créative – du lundi au samedi de 14h à 17h. Si vous sentez que vous avez besoin d’aller plus loin pour vous en libérer, vous pouvez faire appel à un psychologue, ou à une thérapie brève comme l’EMDR, l’hypnose, l’EFT, etc.

Vous ou votre enfant, avez-vous déjà vécu du harcèlement scolaire ? Qu’est-ce qui vous a aidé à vous en sortir ? N’hésitez pas à laisser vos témoignages en commentaire.

Ressources utiles

Pour les parents et les enfants :

  • Ligne téléphonique et application 3018 dédiée au cyberharcèlement de l’association e-enfance – Ouverte tous les jours de 9h00 à 23h00.

Pour les parents :

  • Aider l’enfant à se sortir du harcèlement scolaire : une méthode progressive et participative pour y mettre fin de Philippe Aïm
  • J’me laisse pas faire dans la cour de récré, Florence Millot
  • Site « non au harcèlement » du ministère de l’Education Nationale – https://www.education.gouv.fr/non-au-harcelement

Pour les enfants :

  • On se moque de moi – mes p’tits pourquoi – 4-7 ans
  • Harcelés, harceleurs de Catherine Dolto
  • Le harcèlement – Mes p’tites questions – Dès 6 ans
  • Le harcèlement expliqué aux enfants et aux grands aussi parfois ! de Mon Quotidien
  • Dis, c’est quoi… le harcèlement scolaire ? de Elsa Maudet

7 commentaires

  1. Bonjour,
    J’ai vécu cette situation avec mon fils et cela a été très dur. Cela commençait dans le bus scolaire (nous vivons en campagne). L’angoisse était quotidienne et a duré sur 2 ans, crescendo. Il était en 6ème et la 5ème a été virulente. J’ai interpellé toutes les personnes éducatives (CPE, surveillants, proviseur et proviseur adjointe). J’ai relevé tous les faits et honnêtement, j’ai eu porte close ou les faits rapportés étaient minimisés, voire c’était la faute de mon fils. Les cauchemards et cris nocturnes étaient quotidiens. J’ai pris également rdv avec le médecin scolaire et à la limite d’appeller le 3020, je regrette de ne pas l’avoir fait car au moins, cela déclenche une enquête. Je suis allée jusqu’à rencontrer les parents des élèves responsables mais le seul moyen efficace fut de le changer d’établissement scolaire (du public au privé) qui déployait une attention particulière sur le harcèlement. Et là, il a respiré!!! Et moi aussi. Les faits se sont produits en 2015-2017 Aujourd’hui, le problème est mis en avant, heureusement, mais auparavant, difficile de se faire entendre et de protéger son enfant. Il existe des associations qui proposent des conférences très bien faites, divulguées dans les collèges mais encore faut-il que les chefs d’établissement soient partants. Alors un conseil, choisissez bien votre établissement scolaire, surtout le collège, étape cruciale et propice au harcèlement.

    1. Merci beaucoup pour ton témoignage et tes conseils pour le choix de l’établissement ! Ca a dû être tellement dur à vivre pour ton fils et toi ! Tu as bien fait de le changer d’établissement en tout cas. J’espère qu’il n’en n’a pas gardé trop de séquelles.

  2. Je suis très contente que ce sujet soit de plus en plus abordé ! On en parle à l’école et de plus en plus de livres jeunesses sortent sur ce sujet. Ton article est super et très riche en informations !

    1. Merci pour ce commentaire !

  3. Bravo pr cet article qui donne une piqûre de rappel sur les méthodes à appliquer pour soutenir son enfant et surtout être à l’écoute !

  4. Merci pour ce sujet délicat ! Mon garçon a eu une situation similaire, mais heureusement qu’il me parle de ce qu’il ressent, nous avons pu intervenir assez vite.

    1. Merci pour ton témoignage qui va donner de l’espoir aux autres parents !

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