Comment pratiquer l’écoute active avec son enfant ?

Avez-vous repéré que vous avez plus envie de partager vos joies, vos peines, vos difficultés avec certaines personnes que d’autres ? Vous êtes-vous déjà senti encore plus énervé ou perdu après vous être confié à quelqu’un ? Ou au contraire, vous êtes-vous déjà senti libéré ou beaucoup plus au clair après une conversation avec un proche ? En réalité, ce qui se joue dans ces cas-là c’est la manière dont l’autre vous écoute. Je vous propose de découvrir ici en quoi consiste l’écoute active, véritable outil pour faciliter la communication avec toutes les personnes de votre entourage : vos amis, votre partenaire, vos collègues, votre patron, et bien sûr… votre enfant 😉 Je me suis formée à ce type d’écoute et l’utilise aussi bien avec les parents que je rencontre qu’avec mes filles et je peux vous dire que les résultats sont vraiment intéressants et parfois bluffants ! Mais elle n’est pas si simple à pratiquer, je vais vous expliquer pourquoi. Alors c’est parti !

En quoi consiste l’écoute active ?

Appelée aussi « écoute empathique », l’écoute active est une manière d’écouter l’autre de manière inconditionnelle, sans le juger, en se mettant à sa place. Pour représenter l’écoutant on pourrait imaginer deux grandes oreilles et une petite bouche. L’idée est en effet de laisser suffisamment de place à l’autre pour qu’il puisse dérouler sa pensée et trouver sa propre solution s’il en a besoin. On peut l’utiliser dans tous les contextes, quel que le sujet de conversation. On y pense plus facilement pour l’écoute des émotions désagréables (comme la colère, la peur, le dégoût, la tristesse). Mais on peut aussi y avoir recours pour écouter un moment positif que l’enfant a envie de nous partager (une bonne note, le métier qu’il a envie de faire, sa nouvelle coupe de cheveux, etc.).

Pour cela, vous avez plusieurs outils à votre disposition, que vous pouvez mélanger selon la situation et votre ressenti du moment :

  • Le silence : l’idée est de laisser des moments de silence dans la conversation, notamment quand vous sentez que l’autre chemine pendant ce temps. Personnellement c’est ce que je trouvais le plus compliqué à faire car ma tendance était de « remplir le vide » car le silence me mettait mal à l’aise. Mais à force de pratiquer je me suis rendue compte que c’est souvent dans ces moments où l’autre se tait qu’il finit par se connecter à son émotion et souvent trouver une solution par lui-même. Et qu’en l’interrompant, on coupe son cheminement.
  • La validation de son ressenti et de ses émotions : si votre enfant vous parle d’une expérience humiliante, triste, etc., n’hésitez pas à mettre des mots sur ce qu’il pourrait peut-être ressentir. Cela lui permettra de se sentir compris, moins seul et légitime. Cela peut arriver qu’on se trompe dans notre interprétation. Dans ce cas il vous le dira mais cela lui permettra de clarifier ce qu’il ressent. Concrètement, vous pourriez lui dire : « Oh c’est très humiliant ce qu’il t’a dit !» ou « C’est vraiment triste que ta meilleure amie ait déménagée » ou bien « C’est très frustrant de devoir partir de ce parc où tu t’amuses si bien et du dois être en colère contre moi. Je te comprends mais on doit vraiment partir ».
  • Les questions : on a tous tendance à naturellement poser la question « pourquoi ? » quand on ne comprend pas la réaction ou l’état de l’autre. Et ce particulièrement avec notre enfant. Vous avez dû vous rendre compte que la réponse est souvent décevante, voire inexistante. Déjà en tant qu’adulte, je trouve ça compliqué d’expliquer pourquoi je m’énerve parfois, pourquoi je pleure, pourquoi je me sens à cran, etc. Alors imaginez pour un enfant ou un ado dont le cerveau n’est mature qu’à… 30 ans ! L’idée est donc de poser des questions d’exploration pour mieux comprendre le contexte et/ou de clarification pour préciser certains éléments. Ce sont des questions du type : « Qu’est-ce qui te fait dire ça ? », « Comment tu t’es senti quand… ? », « Concrètement, à quoi vois-tu que…? »,  etc. A la fin d’une conversation, vous pouvez poser des questions ouvrant sur des solutions comme « Si tu avais une baguette magique, que ferais tu ? », « Qu’aurais-tu aimé faire différemment ? ». Une question que j’utilise souvent et qui apaise beaucoup mes filles est : « De quoi aurais-tu besoin pour être moins en colère / avoir moins peur, mieux vivre cette situation, etc. ? Je leur pose depuis qu’elles sont toutes petites et je suis toujours étonnée de voir comme les enfants sont connectés à leur besoin et les formulent si facilement. Je me souviens notamment d’une période où ma plus jeune fille avait 2 ans et refusait systématiquement de s’habiller avant d’aller à la crèche. Après avoir essayé différentes choses en vain pendant plusieurs jours, j’ai fini un matin par lui demander ce dont elle aurait besoin pour mettre ses chaussures. Elle m’a répondu directement qu’elle aurait besoin que je lui fasse plus de bisous et de câlins avant de partir. Ce que je me suis empressé de faire et qui a apaisé la situation instantanément. Ce n’est pas forcément toujours aussi « magique » que ça mais ça vaut quand même la peine d’essayer !
  • La reformulation : souvent, quand on ressent une émotion forte (qu’elle soit agréable ou désagréable), vous avez dû remarquer qu’on peut avoir tendance à généraliser ou utiliser des termes radicaux comme « jamais », « aucun », etc. L’idée avec l’écoute active est de reformuler ou reprendre les termes exacts utilisés par l’autre pour qu’il en prenne conscience et puisse éventuellement les reformuler. Par exemple, devant un enfant qui vous explique qu’il n’arrivera jamais à lire, vous pourriez lui répondre « Tu penses que tu n’arriveras jamais à lire de ta vie ? ». Cela lui permettra de rebondir, soit en vous le confirmant (et dans ce cas, vous pourriez lui poser une question du type « Et qu’est-ce qui te fait penser ça ? ») soit en se reprenant de lui-même en disant par exemple « Peut-être que j’y arriverais quand même un jour mais… ». Et il continuera à développer tout seul sa pensée sur ce qui le fait douter et pourquoi il se sent si découragé en ce moment.

On pense à l’écoute active plus logiquement pour l’enfant qui a acquis la parole mais on peut aussi la pratiquer avec un tout petit enfant. Vous ne pourrez bien sûr pas rentrer dans le même type de conversation mais le simple fait de poser des mots sur ce qu’il ressent et son émotion lui permettra de se sentir compris et de s’apaiser plus facilement.

Vu comme ça, ça peut sembler assez simple à mettre en place. Pourtant, c’est plus compliqué que ça n’y paraît et il est possible de rencontrer quelques difficultés pour la pratiquer régulièrement…

Les freins et difficultés pour pratiquer ce type d’écoute

Pour commencer, je peux vous dire tout de suite que c’est impossible de réussir à pratiquer l’écoute active tout le temps et en toutes circonstances. Car elle nécessite beaucoup d’énergie, de la disponibilité, de la concentration, de la patience et de l’empathie, ce qu’on n’a malheureusement pas en permanence, surtout quand on est parents 😉 Pour cela, on a besoin de s’être préalablement occupé de soi pour se ressourcer et recharger ses batteries. Voir à ce sujet mon article sur l’écoute de ses besoins et sur « Comment réussir à prendre du temps pour soi ». A vous donc de choisir le moment où vous vous sentez prêt. L’idée bien sûr n’est pas de vous rajouter une énième injonction ou pression de chose à faire. C’est juste de tester une manière différente de faire et de voir le résultat. Moi qui la pratique avec les parents que je rencontre dans mes ateliers ou en suivi individuel, j’aimerais pouvoir le faire tout le temps avec mes filles. Et j’avoue que je culpabilise parfois quand je sens que je me suis « loupée » avec elles. Mais comme je le disais dans mon article sur le burn-out parental, j’apprends à être plus douce avec moi-même et surtout à prendre davantage soin de moi pour être dans de meilleures conditions pour le faire plus régulièrement. Vous verrez, c’est assez grisant de voir parfois les résultats immédiats de cette écoute. Une grosse crise de colère ou de décharge d’un petit enfant peut retomber assez rapidement quand il se sent compris et qu’on a mis des mots sur ce qu’il ressent.

L’écoute active sera d’autant plus difficile à faire si vous n’avez-vous-même jamais été écouté de cette manière par vos parents. C’est douloureux de donner aux autres ce qu’on n’a soi-même pas reçu. Ainsi, si à chaque fois que vous exprimiez de la colère, de la peur, de la tristesse et même de la joie, on les minimisait, on vous humiliait ou on vous punissait, vous avez désormais 2 possibilités en tant que parent : soit vous reproduisez malgré vous ce que vous avez connu et vous culpabilisez ensuite. Soit vous essayez de faire l’inverse avec votre enfant, en étant à l’écoute de son ressenti. Mais vous pouvez parfois être déstabilisé devant son émotion que vous ne vous autorisez pas vous-même à exprimer et qui n’a pas été accueillie par vos parents.  Ce que vous raconte votre enfant peut aussi vous raviver votre mémoire traumatique et entraîner malgré vous des réactions disproportionnées que vous regretterez ensuite (voir à ce sujet mon article « Comment gérer sa colère envers son enfant ? »). Si c’est le cas, je vous propose de noter sur un cahier les sujets ou émotions qui sont particulièrement difficiles à vivre pour vous et les situations qui vous touchent particulièrement. En y revenant plus tard, vous pourrez essayer de trouver les points communs entre ces situations et les parallèles entre votre propre enfance et la manière dont vos parents vous écoutaient. Dans un second temps, des thérapies longues ou brèves, selon ce qui vous convient le mieux, pourront vous aider à dépasser ces blessures et blocages et à écouter les autres plus facilement.

Ce sera également plus ou moins facile d’écouter votre enfant selon la teneur de ce qu’il vous livre. Si c’est une bonne nouvelle ou le récit d’un film ou d’un livre, ce devrait à priori être plus agréable et simple à accueillir pour vous. En revanche, c’est plus compliqué si votre enfant ou ado vous fait des reproches, avec des mots blessants qui peuvent vous sembler injustes et disproportionnés. Dans ce cas, c’est un sacré exercice de prise de distance ! L’objectif est de réussir à l’écouter en se mettant à sa place, en essayant de ne pas prendre personnellement les reproches mais de tenter de comprendre d’où elles viennent. Ce sont les principes des accords Toltèques (« N’en faîtes jamais une affaire personnelle ») et de la communication non violente qui explique qu’un jugement et un reproche de l’autre n’est en fait que le reflet d’un besoin non comblé chez lui. A nous donc de chercher ce dont il s’agit. Ce n’est pas une mince affaire je vous l’accorde mais ça vaut le coup pour pouvoir dépasser le problème sans rentrer dans une escalade de rapport de force. Je me souviens de la remarque d’un père lors d’une conférence que j’ai animée sur l’écoute active dans une école alternative. Il a réagi en me disant que ce n’était pas possible pour lui d’imaginer laisser son fils lui dire du mal de lui car ce serait une manière de lui signifier qu’il n’y a aucune limite et qu’il a le pouvoir sur lui. Je comprends tout à fait sa remarque car ce sont des peurs que nous avons tous en tant que parents. Mais l’idée ici n’est pas de signifier à l’autre qu’on est toujours d’accord avec ce qu’il dit mais de comprendre pourquoi il le dit et quels sont ses besoins non comblés derrière. Personnellement, la première fois que ma fille m’a dit qu’elle ne m’aimait pas et qu’elle préférerait aller vivre chez la mère d’une copine, je l’ai pris avec ironie, ce qui a arrêté net la conversation et n’a fait qu’augmenter sa colère. Mais après avoir réalisé que je l’avais pris personnellement sans aucun recul, la fois d’après je me suis juste contenté de reformuler un peu sa phrase « Et bhé, tu es tellement en colère contre moi que tu préférerais changer de maman », ce qui a permis de continuer la discussion. Elle a pu m’expliquer pourquoi elle m’avait dit ça et ce dont elle avait besoin pour s’apaiser.

L’autre difficulté vient des automatismes bien ancrés en nous depuis toujours. On a en effet souvent tendance à vouloir conseiller l’autre quand on le sent dans une mauvaise passe, à minimiser ce qu’il ressent pour le rassurer, à l’interrompre pour parler de notre cas personnel qui nous semble similaire au sien et qui pourrait le faire avancer, à faire de l’humour ou ironiser pour dédramatiser la situation, à menacer pour faire réagir, à critiquer, à flatter, à interpréter, à faire diversion, etc. Certaines de ces réactions partent clairement d’un bon sentiment mais malheureusement elles coupent la communication et empêchent l’autre de trouver lui-même sa propre réponse ou solution. C’est ce que Thomas Gordon, à l’origine de l’écoute active, a nommé les « obstacles de la communication ». Il en distingue 12. La prochaine fois que vous vous confiez à quelqu’un, essayez d’analyser la manière dont il vous écoute et regardez comment vous vous sentez. Personnellement, j’ai repéré que quand la personne essaie de me rassurer en minimisant ce que je dis, ça me met en colère car je me sens niée. Du coup j’arrête de parler. Quand on me conseille, je me sens encore plus perdue après la conversation. Car en conseillant, on projette sur l’autre nos croyances, nos expériences, nos peurs, etc. Ce n’est donc pas du tout objectif et ça ne correspond pas forcément à ce dont l’autre a besoin dans sa situation. On peut bien sûr parler de notre propre expérience, conseiller un livre, un type de thérapie ou autre qui nous a fait du bien mais l’idée n’est pas de l’énoncer comme une vérité absolu et une solution miracle pour l’autre. Je trouve cela particulièrement difficile avec son enfant qu’on a envie de protéger en partageant notre expérience et à qui on a envie d’éviter des blessures ou mauvaises expériences. Mais vous verrez que ça a l’effet contraire et que l’enfant a tendance à se replier sur lui et ne plus vouloir nous parler. C’est le cas de ma plus grande fille qui se referme comme une huître quand je lui donne des conseils. Ca me motive donc à faire autrement pour ne pas couper la communication entre nous et risquer qu’elle ne finisse par ne plus rien vouloir me confier…

Je vous propose de tester ce type d’écoute avec votre entourage et votre enfant ou ado et de partager en commentaires vos éventuelles difficultés et la tournure que la conversation a prise.

6 commentaires

  1. Super article 👍 particulièrement pertinent avec les ados ds leurs périodes de difficulté a communiquer… Je pratique !!!

    1. Merci pour ton retour et bravo de réussir à pratiquer avec ton ado 😉 C’est effectivement une période compliquée pour la pratiquer même s’ils en ont particulièrement besoin aussi.

  2. Je me suis posée beaucoup de questions sur les diverses pratiques de communication entre les parents et leurs enfants, et entre autres sur l’écoute active avec ma fille (maintenant 10 ans). Elle a un caractère assez complexe et la communication avec elle n’est pas toujours une chose évidente. Depuis déjà quelques années j’essaie de rester sur ce type d’écoute dans notre relation. Ça permet de désamorcer des situations tendues et de créer des liens plus profondes entre nous. Même si parfois c’est dur, comme tu l’a très bien décrit, c’est un moyen juste et efficace de garder une relation de confiance avec son enfant.

    1. Merci pour ton témoignage précieux et bravo de réussir à continuer à le faire malgré les difficultés. On peut être tenté parfois de tout lâcher tellement la relation est difficile (notamment à l’adolescence comme me le partagent beaucoup de parents) mais quand on l’a testée, on se rend compte que ça vaut vraiment le coup de tenir bon 😉

  3. Merci pour tes précieux conseils ! Excellentes suggestions que j’essaierais avec mon fils et que je les écouterais également pour ma future communication avec les gens. Merci encore!

    1. Merci pour ton retour ! Tu me diras ce que ça a donné avec ton fils et ton entourage 😉

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