Comment mieux gérer sa colère envers son enfant ?

Se mettre en colère, voire exploser littéralement sur son enfant, sans avoir eu le temps de réaliser quoi que ce soit : ça vous arrive parfois ? Moi oui 😉 Je ne sais pas pour vous mais personnellement, après je me sens tellement mal et coupable ! Et j’aimerais que ça n’arrive plus jamais. Et pourtant ça revient car vous avez dû remarquer que nos enfants réveillent souvent en nous de la colère cachée dont on ignore parfois la causeAlors comment faire pour mieux gérer cette colère et mieux la vivre ? Je vous propose de découvrir ici d’où elle vient, comment faire pour l’anticiper, essayer de la canaliser quand elle ne sort pas au bon moment, et en parler ensuite avec son enfant ?

D’où vient cette colère parfois incontrôlable ?

Cette colère peut être soit passagère, suite à un événement précis ou à une remarque qui nous a déplue, soit être une émotion récurrente ou présente en nous au quotidien. On peut parfois deviner très facilement d’où elle vient (une frustration ou un sentiment d’injustice par exemple) mais parfois c’est moins évident. Dans ce cas, elle peut cacher d’autres émotions comme la peur ou la tristesse qui n’arrivent pas encore à se manifester.

Je me souviens d’une maman qui la décrivait comme un « dragon » qui sortait d’elle et qui prenait tout à coup le contrôle sans qu’elle ne puisse rien maîtriser. Je trouve cette image très parlante, pas vous ?

Il y a beaucoup de raisons qui peuvent être à l’origine de notre colère. Parmi elles, voici les principales que j’ai identifiées. N’hésitez pas à me dire en commentaire si vous en voyez d’autres :

  • nos besoins fondamentaux non comblés : si vous avez tendance à répondre toujours en priorité aux besoins de votre enfant et à vous oublier, voire vous sacrifier (ce qui m’est arrivé pendant longtemps), vous risquez à terme de cumuler de la frustration et de la colère qui finiront par rejaillir sur vos enfants, sans que vous ne compreniez toujours pourquoi. Typiquement, si nos besoins physiologiques de base ne sont pas respectés (manque de sommeil, faim, etc.), il y a de fortes chances que la moindre contrariété ou frustration nous fassent sortir de nos gonds. Pour en savoir plus, je vous invite à lire mon article entièrement dédié à ce sujet.
  • le manque de temps rien que pour nous : cet aspect découle du point précédent : si vous passez tout votre temps avec votre enfant ou adolescent, sans vous accorder quelques « respirations » au quotidien, vous risquez de finir par vous sentir oppressé et réagir au quart de tour. Voir à ce sujet mon article : « Parents : comment réussir à prendre du temps pour soi ? »
  • le refoulement de nos émotions : on entend souvent parler d’émotions « négatives » et « positives ». Or, je trouve ces termes très dévalorisants pour ce qui est simplement un signal de notre corps que quelque chose lui convient ou ne lui convient pas. Alors oui c’est sûr que c’est plus agréable d’être joyeux que triste ou en colère mais ce n’est pas pour autant positif ou négatif. Bref, l’idée ici est de vous faire changer de regard sur ces émotions qui sont souvent jugées inadaptées, honteuses et dont on préfère se cacher. Il arrive même souvent que nos propres parents n’aient pas pu les accueillir chez nous car leurs propres parents n’avaient pas pu le faire. S’ensuit un cercle vicieux de générations en générations. Les émotions désagréables sont pourtant là pour nous permettre de réagir face à ce que nous vivons mal. Elles nous aident à savoir si ce que nous vivons correspond à ce que nous voulons et si nos besoins importants sont comblés. Alors ce serait dommage de nous en priver, vous ne trouvez pas ? 😉 Surtout qu’ignorées ou refoulées, elles finiront par sortir plus intensément à une prochaine contrariété, voire provoquer des maux ou maladies… L’idée est donc de réussir à les comprendre puis les exprimer et les faire partir.

A ce stade, j’ai plusieurs questions à vous poser pour vous aider à mieux comprendre la manière dont vous gérez votre colère et celle de votre enfant :

  • Comment vos parents accueillaient-ils vos émotions, et votre colère en particulier ?  En vous écoutant, vous consolant, vous punissant, vous isolant, vous demandant d’arrêter, se moquant de vous, etc. ?
  • Avez-vous des souvenirs de comment vous vous sentiez dans ces situations ?
  • Et maintenant, que ressentez-vous quand vous sentez la colère monter ? Vous sentez-vous légitime à la ressentir et à l’aise pour la laisser sortir et réfléchir à ce qu’elle signifie ? Ou essayez-vous à tout prix de la contrôler, voire de la faire disparaître ?
  • Et pour finir : comment vous sentez-vous quand votre enfant est lui-même en colère ? Etes-vous à l’aise pour qu’il la laisse sortir ou bien ressentez-vous de la colère monter en vous ? D’une manière générale, les émotions sont contagieuses. C’est le principe des « neurones miroirs » : quand vous êtes avec une personne qui est joyeuse, triste, a peur ou est en colère, cela aura tendance à vous « contaminer » et vous faire ressentir la même émotion. L’avez-vous constaté ? Mais lorsque la colère de votre enfant vous fait remonter une énorme rage incontrôlable, c’est qu’il y a quelque chose de plus profond à aller chercher et à comprendre…

Vos réponses à ces questions vous donneront des indices pour mieux comprendre votre rapport actuel à votre colère et celle de votre enfant. C’est tout à fait normal d’avoir du mal à accueillir la colère de son enfant si la nôtre a été interdite par nos parents. Si j’avais un seul message à vous transmettre ici ce serait d’essayer de ne pas vous juger ni vous culpabiliser quand vous ressentez une émotion « désagréable » comme celle-ci. L’idée est juste d’accepter qu’elle soit là et d’essayer de comprendre ce qu’elle signifie.

  • La résurgence de votre mémoire traumatique : connaissez-vous ce terme ? Pour résumer simplement sans rentrer dans les détails scientifiques : l’amygdale de votre cerveau (et non celle de votre gorge 😉), qui est le siège de la mémoire inconsciente, a stocké les souvenirs désagréables, blessures et traumatismes de votre enfance. On parle souvent de « refoulement ». Elle est ensuite réactivée quand un élément extérieur lui rappelle une scène ou une situation vécue et vous fait réagir instantanément, sans que vous ayez eu le temps de l’anticiper. Et cela arrive souvent avec nos enfants qui nous font sans le savoir rejouer ce qu’on a vécu enfant. Typiquement, si vous étiez puni quand vous ne rangiez pas vos jouets, lorsque votre enfant ne rangera pas les siens, cela vous fera remonter la scène dans votre mémoire ou bien vous fera ressentir les mêmes émotions que vous ressentiez alors devant la réaction de vos parents. C’est ainsi que vous vous retrouverez soudain à hurler sur notre enfant, de manière disproportionnée par rapport aux faits. Votre corps a en fait sécrété une décharge de cortisol, l’hormone du stress, face à ce souvenir douloureux. Face à cette montée de stress, il y a 3 possibilités que votre cerveau choisit sans vous demander votre avis : l’attaque, la fuite ou le figement. Dans cet exemple, il a choisi l’attaque.

Une fois que l’on a compris ce concept, cela permet de prendre du recul sur la situation, de mieux comprendre ses réactions et de moins se juger. Les parents à qui j’explique ce fonctionnement dans mes groupes de parole et entretiens individuels sont en général soulagés de comprendre pourquoi leurs réactions dans ces cas-là sont tellement incontrôlables. Pour que ces mauvais souvenirs d’enfance puissent venir se loger dans la « mémoire consciente », je vous propose de tenir un cahier dans lequel vous noterez régulièrement les raisons qui ont déclenché votre colère envers votre enfant. L’idée est de le relire régulièrement puis de dégager les situations redondantes. De là vous pourrez réfléchir aux situations similaires que vous avez vécues enfant. Si vous n’avez pas de souvenir, vous pouvez enquêter auprès de vos parents, frères ou sœurs, tantes et oncles, etc. En ramenant ces souvenirs à votre conscience et en laissant sortir les émotions associées, vous pourrez progressivement les dépasser et vous en libérer. En identifiant les situations redondantes qui vous mettent systématiquement en colère, vous pourrez aussi réfléchir à celles que vous pouvez éviter. J’ai par exemple arrêté de faire des courses avec mes filles car je sentais bien que ça me mettait à cran à chaque fois.

Et même si vous rencontrerez toujours des situations compliquées, vous serez plus conscient de ce qui se passe en vous et aurez plus de temps pour mettre un outil en place pour la canaliser, sans vous sentir dépassé instantanément. Si vous sentez que cela est trop difficile à faire seul ou que vous n’avez pas ou peu de souvenirs d’enfance, il existe des thérapies brèves pour aider à mieux gérer sa colère. Elles permettent de déloger ces souvenirs de l’amygdale : l’EMDR, l’hypnose, le neurofeedback dynamique, etc. Il existe aussi d’autres thérapies, cette fois-ci visant à déloger les tensions engendrées par le traumatisme dans le corps comme l’EFT, la micro-kiné, la sophrologie, la somatic experiencing, la kinésiologie, etc.

Comment gérer sa colère quand on la sent monter ?

La perte de contrôle en cas de colère peut être très angoissante à vivre et peut vous amener à des paroles ou des actes envers votre enfant que vous pourrez regretter par la suite. Plus vous serez conscient des déclencheurs, plus vous la verrez arriver et vous pourrez utiliser des outils vous permettant de relâcher votre tension et vous apaiser plus vite.

Vous seul saurez quelle est la technique qui vous conviendra le mieux pour gérer votre colère. Voici en vrac quelques idées dont certaines qui marchent bien sur moi. Mon « garde-fou » est à chaque fois de préserver mes filles. Donc dès que je sens la colère monter, je leur verbalise tout de suite ce qui se passe en moi et je rajoute que j’ai besoin de « me mettre dans ma bulle ». Donc soit je m’éloigne si c’est possible, soit je délègue à un proche qui serait présent à ce moment-là et qui semble garder son calme, soit je fais de la cohérence cardiaque près d’elles (il existe des applications gratuites sur internet). J’essaie de couper court à la conversation si je sens qu’on est chacune dans un argumentaire qui ne mènera à rien. Je propose d’en reparler plus tard, quand la colère sera redescendue. Ensuite, quand je trouve un moment, je réfléchis au déclencheur de cette colère. Maintenant, à force d’avoir fait cet exercice, j’ai repéré les situations qui me font sortir de mes gonds et les ai analysées. Cela me permet d’avoir plus de recul sur la situation. Si je sens que la colère est encore présente plusieurs jours après, j’essaie de voir où elle se loge dans mon corps et je me concentre dessus, en respirant profondément. Cela permet de se reconnecter à cette colère, voire de s’en débarrasser en pleurant, criant , etc. Sinon j’en parle à un proche qui sait écouter sans juger (voir mon article sur l’écoute active qui permet de se sentir compris et trouver soi-même sa propre solution). Si vous n’avez personne de disponible dans votre entourage, vous pouvez aussi appeler une ligne d’écoute de professionnels formées à ce type d’écoute, qui vous écouteront de manière anonyme * (voir détails en bas de l’article).

Je tiens aussi de temps un temps un « journal créatif » où je repense à une situation que j’ai du mal à dépasser. Ce concept, créé par Anne-Marie Jobin consiste à exprimer ses pensées, émotions, doutes, etc sur une feuille en utilisant l’écriture, le collage, la peinture, les pastels, les feutres, etc. L’idée n’est pas la beauté du résultat final mais de laisser sortir ce qui nous vient naturellement. C’est assez libérateur et permet parfois de démêler des situations bloquées. Vous trouverez tous ses outils dans son livre «Le nouveau journal créatif : partir à la rencontre de soi par l’écriture, le dessin et le collage ». Sinon, quand je suis en colère en même temps que mes filles, je leur propose de faire ensemble le « bûcheron » : on écarte les jambes tendues, on lève les bras en l’air en rejoignant les 2 paumes de main puis on les descend d’un coup en les faisant passer entre les jambes en faisant un bruit de notre choix. C’est efficace et ludique en même temps. Vous me direz si vous avez testé.

Mais il existe bien sûr d’autres outils et techniques : certains auront besoin de courir sur place pour décharger la colère, sauter, taper des pieds, danser, etc. Une mère de l’un de mes ateliers nous avait confié qu’elle s’enfermait aux toilettes pour faire redescendre sa colère car sinon son fils la suivait partout. D’autres crieront dans un coussin, feront une posture de yoga, de la méditation, boiront un verre d’eau, etc. A vous de trouver la technique qui vous correspond !

Une fois que cette colère est redescendue, voire éliminée, l’idée est de mettre en place des routines au quotidien pour la laisser sortir régulièrement et éviter qu’elle ne s’installe. Encore une fois, vous seul savez celle qui vous fera du bien : sport, méditation, discussion avec un proche, participation à un groupe de parole de parents, activité artistique et créative, etc.

Comment en parler avec son enfant ?

L’enfant est en général impressionné par nos accès de colère et ne les comprend pas toujours. C’est d’autant plus vrai quand son origine est l’activation de notre mémoire traumatique qui peut entraîner des réactions disproportionnées par rapport au fait déclencheur.

Le fait de lui expliquer qu’on sent que la colère monte en nous et de mettre en place des choses pour nous calmer (comme décrit plus haut) lui servira d’exemple quand il sentira la colère monter en lui. Cela l’aidera à nommer lui aussi ses émotions et lui donnera des outils pratiques à mettre en place.

L’enfant ayant tendance à se sentir responsable de ce qui nous arrive, l’idée est de le rassurer et le déculpabiliser. On peut par exemple lui expliquer ce qui s’est passé en nous et les déclencheurs qu’on a identifiés : notre manque de sommeil, de temps pour nous, notre situation professionnelle compliquée, notre souvenir d’enfance réactivé, etc. J’ai pris l’habitude de dire à mes filles quand je me réveille de mauvaise humeur ou épuisée en les prévenant que je serais sûrement moins patiente et plus « ronchon » ce jour-là mais qu’elles n’y sont pour rien. Si ma colère me semble « justifiée » par rapport à la situation (si elles m’ont tapé ou se sont mises en danger par exemple), alors je leur en reparle calmement après coup en leur expliquant de nouveau que c’est interdit et en les écoutant pour comprendre ce qui s’est passé de leur côté.

Ne pas hésiter à s’excuser si nos mots ou nos actes ont dépassé nos pensées. Cela ne nuira pas à votre autorité, comme on l’entend souvent : cela permettra juste à votre enfant de se déculpabiliser et d’apprendre que tout le monde, même les adultes peuvent regretter leurs mots ou leurs actes. Cela sera aussi l’occasion de lui montrer que nous mettons en pratique ce que nous lui demandons souvent de faire lui aussi auprès de son frère ou de sa sœur, de ses copains, etc.

* En cas de gros accès de colère où vous sentez que vous pourriez déborder avec votre enfant, n’hésitez pas à appeler des lignes téléphoniques de professionnels formés à l’écoute active :

  • Inter Service Parents : tel : 01 44 93 44 93. Ligne gratuite pour les franciliens, gérée par l’Ecole des Parents et des Educateurs d’Ile-de-France. Ouvert du lundi au vendredi de 9h à 13h et de 14h à 18h (fermé le mercredi).
  • SOS Parentalité : tel : 09 86 87 32 62. Ligne gratuite gérée par le réseau Parentalité Créative – du lundi au samedi de 14h à 17h.

Pour résumer en quelques mots : c’est en cherchant et en comprenant les causes de votre colère que vous pourrez ensuite mieux la gérer, sans vous juger. A vous de trouver les outils qui vous correspondent pour la canaliser quand elle explose ainsi que les techniques à mettre en place au quotidien pour ne pas la laisser s’installer en vous. Je suis de tout coeur avec vous et serai ravie d’entendre vos retours d’expérience dans les commentaires !

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